LVIème Congrès de Phoniatrie mardi 3 octobre 2000 – Paris
INTRODUCTION
par Monique PETITJEAN
La prothèse à transposition mise au point par le Professeur Jean-Claude LAFON en 1989 et dont je rappelle la fiche technique pour la prothèse Bêta : c’est une transposition de bandes du spectre dans la zone grave en dessous de 1000 Hz, un passe-haut à 1200 Hz à 5000 Hz (bande dite aiguë), elle est destinée à appareiller la surdité profonde, car plus la surdité est importante, plus il faut utiliser les restes auditifs et non compenser une perte tonale enseignait le Professeur Jean-Claude LAFON.
Ce qui nous a interpellé dans l’utilisation de cette prothèse par des sujets sourds profonds est que le gain prothétique d’une prothèse surpuissante et celui de la prothèse à transposition était soit amélioré de 5 à 10 dB aux fréquences 250, 500, 1000, 2000, 4000 Hz. Le sujet sourd se dynamisait plus dans la découverte de l’environnement sonore, de l’utilisation de la parole et du ressenti de la voix, qu’avec les prothèse surpuissante d’où une meilleure utilisation et optimisation des informations reçues.
DIFFERENCES ENTRE PROTHESES SURPUISSANTES ET PROTHESE A TRANSPOSITION
par Stéphane HANQUET
Mon propos est de vous parler de la différence entre les prothèses surpuissantes et la prothèse à transposition. Pour avoir été appareillé à l’âge de 18 mois avec des prothèses surpuissantes pour une surdité sévère limite profonde perte de 90 dB et qui a évolué en surdité profonde à l’âge de 7 ans et ensuite d’avoir expérimenté les prothèses Alpha et Bêta de Galaxie, je vais essayer de vous parler de leur différence. Actuellement, ma perte auditive est de 104 dB (voir mon audiogramme).
J’ai porté les prothèses surpuissantes jusqu’à l’âge de 19 ans alors que j’étais en classe de Terminale. Ce choix avait été volontairement fait car mes repères auditifs étaient inscrits et je ne pouvais me permettre un changement de prothèse alors que j’étais candidat au baccalauréat. Le Professeur Lafon nous avait confié des prothèses Alpha et Bêta, et j’avais fait le choix de ne l’utiliser qu’en musique car mon professeur et moi-même avons tout de suite constaté que je respectais le tempo. Avec les prothèses surpuissantes, pour essayer de rester fidèle au tempo, je comptais, ce qui m’empêchait d’être en situation d’écoute : je finissais souvent en retard et mon tempo ne respectait pas le tempo réel imposé par la partition ou l’orchestre. Ce constat m’a interpellé et j’ai eu envie de savoir ce que je pouvais découvrir du monde sonore, de l’environnement sonore, et de la communication avec la prothèse à transposition.
Avec les prothèses surpuissantes, pour essayer de rester fidèle au tempo, je comptais, ce qui m’empêchait d’être en situation d’écoute : je finissais souvent en retard et mon tempo ne respectait pas le tempo réel imposé par la partition ou l’orchestre. Ce constat m’a interpellé et j’ai eu envie de savoir ce que je pouvais découvrir du monde sonore, de l’environnement sonore, et de la communication avec la prothèse à transposition.
Après avoir obtenu mon bac, je décide donc de porter quotidiennement la prothèse à transposition. Je suis ainsi passé directement, sans transition, à ce nouvel appareillage. J’ai eu beaucoup de mal, j’étais complètement perdu, tous mes repères avaient changés. D’après mes parents, au début, je faisais beaucoup de bruit et je ne reconnaissait même pas mon prénom.
A un moment donné, j’ai décidé de remettre les prothèses surpuissantes, et là, immédiatement j’ai vu la différence. En fait, les prothèses surpuissantes amplifient de manière égale tous les sons, quelle que soit la distance à laquelle le son se situe. A titre d’exemple, si je parle en marchant sur un chemin gravillonné, je vais entendre ma voix et le bruits des graviers sous mes chaussures, au même niveau sonore. C’est très gênant pour identifier la parole.
Avec la multitude des bruits environnants, qui arrivent de partout à la fois, à la même intensité, il ressort des prothèses surpuissantes un immense brouhaha, ce qui me donnait un mal de tête étourdissant. Tous ces sons qui se bousculent, entraînent pour moi la confusion, je ne sais pas quoi trier ; je ne sais pas d’où ils viennent ; j’ai très mal à la tête, et je comprends que c’est une des raisons qui font que la majorité des sourds abandonnent leurs prothèses.
En ce qui concerne ce mal de tête, ma mère et moi pensions qu’il pouvait provenir d’un problème de vue. Changer mes verres de lunettes quand la vue baissait ne suffisait pas à dissiper ces maux de tête le reste de l’année. En Seconde et Première, même démarche, jusqu’en Terminale où j’avais la désagréable impression de porter des verres épais comme des loupes. Cette histoire peut paraître anecdotique mais avec l’arrivée de la prothèse à transposition, mon mal de tête a quasiment disparu. Il faut savoir que la prothèse à transposition respecte l’environnement sonore et l’intensité sonore ; ce que ne faisaient pas du tout les prothèses surpuissantes.
Au fur et à mesure que je portais la prothèse à transposition, mon environnement sonore s’est élargi. Un jour, je travaillais devant un ordinateur, j’ai entendu éternuer ; spontanément, j’ai dit « A tes souhaits » au voisin le plus proche. Interloqué, il me répondit « Mais je n’ai pas éternué, c’est le gars au fond de la pièce ! ». Ce jour là, j’ai pu constater que je distinguais des sons lointains mais si j’ai réagi de cette façon, c’était en fonction de mes repères issus des prothèses surpuissantes ! J’ai pris conscience que mon champ auditif s’était élargi.
La prothèse à transposition permet de situer, de localiser plus précisément un bruit, une source sonore, et favorise ainsi une meilleure écoute dans un environnement bruyant.
Dans le domaine de la communication, il faut distinguer deux sortes de communications : la communication en groupe et la communication duelle.
J’ai pu remarquer que dans une conversation à plusieurs, on saute souvent du coq à l’âne en passant d’un sujet à l’autre, on s’interrompt, on se questionne… Dans cette situation, je suis capable d’intervenir et de suivre la conversation alors qu’il m’était impossible de le faire avec les prothèses surpuissantes car j’étais « rivé » aux lèvres de mon interlocuteur. Dan ce cas, tous les mots de la phrase m’étaient indispensables et dès que je perdais un mot, il me fallait faire répéter toute la phrase pour participer à la conversation. Par contre, avec la prothèse à transposition, si je n’ai pas tous les mots, je peux en partie comprendre et peux bien mieux suivre grâce à la mélodie et au contexte. Mais je serai vraiment heureux quand cette prothèse sera encore plus performante pour être moins sollicité à utiliser la lecture labiale ou le LPC.
[rajout 2006] …sans pour autant supprimer la LSF.