Cette année fut ma troisième participation à Paris Web : la première fois en 2010 via le direct sur internet, et les deux fois – 2011 et 2012 – sur place à Courbevoie dans les gigantesques locaux d’IBM. Je ne reviendrai pas sur le contenu mais plutôt sur le ressenti de cette édition.
En effet, j’attendais l’événement avec impatience : ces moments de retrouvailles autour du web et de hastag, de cafés et de pâtisseries, comme quand on se retrouve entre collègues et amis. Revoir ces sourires, revivre ces moments professionnels, retrouver nos amis du web, découvrir de nouvelles têtes, suivre d’excellentes conférences. Deux jours intenses, riches et accessibles.
J’y suis allé très sereinement, bien paré comme il faut : mon MacBook ayant lâché au bout de deux heures l’an dernier, je me suis mieux préparé pour suivre et participer aux conférences en de bonnes conditions. La souplesse indéniable des tablettes permet de suivre au plus près possible l’actualité : réactions en live sur twitter, prises de notes et de photos partagées, revue de l’emploi du temps, gestion de contacts, tout ça depuis son fauteuil. Seule ombre au tableau : le Wifi fut difficile d’accès, heureusement que la 3G fut très bien desservie dans la salle.
Pertinence des conférences, qualité de l’accessibilité & richesse des rencontres résument bien cette édition. Les sujets abordés, aussi bien techniques que théoriques, les slides artistiques, l’aisance & l’impressionnant casting des speakers ont rendu les conférences très agréables et instructives.
L’incroyable déploiement pour rendre l’événement totalement accessible en aura ravi plus d’un. Les huit interprètes en langue des signes présentes ont fait preuve d’endurance et de performance tant certaines conférences étaient très techniques et rapides. Hormis les conférences ultra-techniques où les décrochages étaient assez fréquents, la vélotypie a prouvé son utilité à maintes reprises à lire certaines réactions positives des participants sur twitter.
Ce fut également accessible en matière de contact : pas de prise de tête, on se sent chez soi, dans notre maison du web. Chez moi, chez vous, chez nous. In real life, on the web. Pouvoir enfin mettre un visage sur un pseudo, retrouver des personnes avec qui l’on échange sur twitter, et s’amuser lors de l’association pseudo / personne : « Aaah mais c’est toi ! » illustrent encore une fois l’intérêt de ces rencontres. Mixer et pérenniser ces échanges visuels réel / virtuel sont un véritable trésor quand on est sourd. J’ose penser que Sophie et Jérôme partagent ce point de vue : nous avons apprécié l’attention du staff et de tous les interlocuteurs croisés.
Malgré toutes ces attentions pour minimiser les difficultés de communication, tout n’est pas rose : le petit laps de temps de traduction – qu’elle soit écrite ou signée – décale nos réactions. Combien de fois nous applaudissions sans en connaître la raison, du moins dans l’immédiat ? Combien de fois nous voyons lever des doigts sans en connaître la question ? Réagir en direct demande quelques stratégies pour essayer d’être le plus réactif possible.
Quelques petites astuces pour se remettre sur les rails :
- Demander à un voisin de résumer la situation par écrit en quelques mots sur un bout de papier ou sur le téléphone mobile, reposer ultérieurement la question à une personne qui participait au moment de résumer la situation.
- L’usage massif des réseaux nous est salutaire et très complémentaire : les réactions de chacun permet d’avoir des petites bribes, des petits morceaux de vie, des parcelles de raisonnement.
- Et bien-sûr solliciter un interprète en langue des signes pour traduire les échanges. Cela est plus difficile à gérer tant les sollicitations peuvent être fréquentes et très prenantes !
- Le son est difficilement audible lors d’une conversation ? (avec les appareils auditifs) Mettre la main sur le dos de l’interlocuteur pour en ressentir les vibrations. Geste à la fois amical et salutaire.
- Positionnements stratégiques pour bien se placer face à l’interlocuteur : éviter les contre-jours en se mettant dos à la source des lumières (fenêtres, etc.), allumer les lumières artificielles même si la luminosité est suffisante (ce qui permet d’éclairer les visages pour mieux les voir).
Une fois tout cela mis en place, nous pouvons enfin se concentrer sur le contenu. Les résumés, plans, déroulés de conférence ne suffisent pas pour suivre. Même si les principaux points nous guident, les raisonnements, ces cheminements pour arriver à de telles ou telles conclusions, nous manquent cruellement.
Essayer – et réussir – de faire une synthèse avec tout cela renforce notre motivation ou, à contrario, peut décourager. Surtout lorsque tout va très vite, lorsque la fatigue se fait sentir. Bien que la motivation reste toujours intacte, c’est un véritable marathon de communication et l’énergie doit être au top. Pas toujours évident lorsque les journées sont longues…
Enfin, détail non négligeable, être vus comme une « personne professionnelle en situation de handicap » et non une « personne handicapée et accessoirement un professionnel » est une véritable reconnaissance. Exit le handicap, place aux compétences.
Suivre ces conférences permet d’asseoir nos connaissances, d’approfondir des aspects particuliers, de poser des questions qui nous taraudent depuis longtemps, exposer nos défis et solutions si l’on en a trouvées, de véritables échanges se nouent autour de ces conférences.
J’ai particulièrement apprécié les interventions de Denise Jacob (Web Design’s Lego), de Sébastien Desbenoit et ses icônes & pictogrammes (un de mes domaines préférés), Mike Monteiro et ses excellentes slides hautement caustiques, Vitaly Friedman dont je suis un fervent lecteur de Smashing Magasine (magnifique slide sur le responsive design et l’intense travail de refonte du site).
J’ai bien aimé également les interventions de Grandin Donovan et Claudio Vandi (Future Reading), souvenirs d’étudiants avec Guillaume Abel (Bauhaus), « The Real Me » d’Aaron Walter (et ses chaussures rouges !), les Sébastien Desbenoit et Francis Chouquet tels des Jamy Gourmaud et Frédéric Courant sur les tendances webdesign !
Je n’ai hélas pu voir Armony Altinier (audiodescription), et les accolytes Élie Sloïm & Pascal Romain.
Au chapitre des regrets : 2 jours, c’est trop court. On manque cruellement de temps pour nouer des relations, pour noter tout ce que l’on a entendu tant les sujets sont vastes. Heureusement qu’il y avait l’apéro-web du jeudi soir pour se retrouver tous autour d’une bonne secousse au Comptoir Général. A part le fait que certains endroits sont sombres, rendant parfois délicates les conversations, l’ambiance était vraiment au rendez-vous.
Le concept des téléviseurs connectés pourrait être poussé plus loin. Pourquoi pas afficher sur un téléviseur les flux sociaux en temps réel ? Je verrai bien un téléviseur dédié à l’accessibilité. J’avais souhaité faire des mini-reportages en langue des signes mais le temps m’a manqué. Pour l’édition 2013 ? 😉
Autre idée : pourquoi pas placer un immense tableau blanc pour que les gens écrivent ou laissent leur carte de visite ? Dommage que cette année les pseudos twitter ne furent pas affichés sur les badges. Bonne idée du recto verso. Amusant le tatouage 🙂
Enfin à propos des excellents lightning talks du vendredi soir, la barre avait été placée très haute l’année dernière. Le soufflé n’est pas tombé cette année ; outre les chouettes mailles numériques de Sophie, le bon moment avec le « entertainer » de Stéphane et les ruptures technologiques de Vitor Junqueira, deux ont particulièrement retenu mon attention : les « 4 minutes accessibles » de Sébastien et la chanson de Xavier : Le projet (parodie).
Mille mercis à toute l’équipe de Paris Web, aux chaleureux Stéphane Deschamps, au dynamique Sébastien Delorme, à Samuel Le Morvan, à la superbe Denise Jacobs, au joyeux Sébastien Desbenoit, au charismatique Vitaly Friedman de Smashing Magasine, au provocateur Mike Monteiro, au chansonnier numérique Xavier Borderie, aux marathoniens photographes Mathieu Drouet et Thanh Nguen. Sans oublier les traducteurs LSF et l’infatigable hyperactive Sandy !
Ravi surtout d’avoir vu en vrai Aarron Walter de Mail Chimp, heureux d’avoir pu discuter avec Élie Sloïm, papoté avec Romy Duhem Verdière, échangé avec Christophe Clouzeau, retrouvé Nathalie Couture, discuté avec Monique Brunel et Nathalie Rosenberg. Particulièrement aimé les discussions avec Annabel Hary sur les interfaces graphiques UX où nous discutions sur mes recherches ergonomique dans la musique et surdité. Dommage que je n’ai pu voir tout le monde, Karl Dubost avec qui j’avais apprécié nos échanges l’an dernier. Je n’oublie pas tous les autres que je n’ai pas pu citer 🙂
Ce fut difficile de quitter les lieux tant le rêve était devenu réalité une seconde fois. Rare sont les événements de cet acabit accessibles. Gorge nouée à l’idée d’attendre 2013. Un an. 365 jours. Ça va être long. Heureusement qu’il y a le web pour compenser tout ça #sharethelove 🙂
Rendez-vous à la 7ème édition, l’année de maturité ? 😉
— stefhan